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Courir c'est prendre le temps de réfléchir.

mardi 4 juin 2013

UltraTour du Léman




Elle est pas belle cette affiche ?
Du bleu, de l'orange, des couleurs qui ne peuvent que faire venir le soleil !

Et un Lac Léman inondé par le soleil, c'est un diamant dans un écrin.

Espérons...

Et l'espoir fait courir. 15 semaines pour me consacrer uniquement à la préparation de cette course.

Avec cette fois-ci l'expérience de l'Utr'Ardèche et ses 216km. Et en prime, je l'espère un accompagnateur vélo.

Avec la conjugaison de ces 2 éléments, j'espère atteindre mon principal objectif : arriver le samedi avant minuit, c'est à dire courir en moins de 17 heures les 175km soit du 10,29km/h = 5'49.6/km.
Par contre, pas d'objectif de place au classement général. Cela se décidera durant la course.

Vous souhaitez en savoir plus sur cet Ultra Tour du Léman ?

Une seule adresse : UltraTour du Léman

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samedi 1 juin 2013

Ultr'Ardèche 2013 : mon compte-rendu.

Les photos sont de :

Carole Clairement Bestial





Samedi 27 Avril 2013. 17 heures. Je viens de franchir la ligne d’arrivée des 100km de Belvès.
8h54’36 à mon chrono : bof, bof et rebof.

Je suis loin, très loin du chrono espéré qui était de 8h15.

Parler de déception serait exagéré. Disons que je suis un peu contrarié. Je pensais qu’avec la mémorisation “physiologique”  j’allais pouvoir me contenter du faible kilométrage réalisé en préparation spécifique. En effet, après ma très longue coupure hivernale, j’imaginais que le socle de bornes réalisées en 2012  allaient me permettre de pallier à ce petit manque de préparation. Erreur. Il m’aura certainement manqué 2 semaines d'entraînements et 2 grosses sorties longues pour être au top en Dordogne..
L’avantage de ce “contre-temps” est qu’en ayant très peu puisé dans mes réserves lors de ce 100km, j’ai de suite enchaîné avec l'entraînement pour l’Ultr’Ardèche, second objectif de l’année (Belvès étant le 1er et l’Ultra Tour du Léman le 3ème et dernier).
4 semaines séparent Belvès de l’UA.
La première semaine est basée sur une reprise prudente et sage. Histoire de tester la machine dans sa phase de récupération post-Belvès. Je réalise quand même 85 bornes.

La seconde semaine, voyant que tout est ok, je me propulse beaucoup plus loin dans le kilométrage. 167 bornes  et une grosse dose de D+ et D-. Tous les voyants sont au vert !. J’encaisse comme un chef.

Enfin, je réduis considérablement le kilométrage lors des 2 dernières semaines pré-UA.

Durant ces 2 semaines j’ai eu le temps d’appréhender un peu mieux les spécificités de cette épreuve hors-norme. Cependant, je ne me suis fixé aucun cadre rigide ni plan sur la comète UA.
. L’an-dernier je n’imaginais même pas participer à ce type de course. Tout simplement parce que je me pensais bien trop tendre pour les courses en ligne aussi longues et insoumises...

Et puis, sur l’avis éclairé des amis du forum ADDM, je me suis dit qu’il fallait bien qu’un jour je me lance dans ce genre d’épopée. Et pas de fils-suiveur cette fois-çi.
Donc, je prépare la chevauchée avec un état d’esprit libéré des schémas du compétiteur. Je m’en vais juste “bitumé” l’UA pour apprendre, découvrir, rencontrer, rêver et savourer. Pas de couteau entre les dents.
Certes, j’ai prévu un “tempo fourchette” compris entre 9km/h et 11km/h à tenir le plus longtemps possible mais je sais très bien que je ne conserverais pas ce rythme tout au long des 216km.
Pas grave, il me restera toujours la possibilité de marcher.

Côté ravitaillement j’opte à 100% pour les ravitos de l’UA et pour l’hydratation ce sera une gourde à main avec uniquement de l’eau.

Niveau vestimentaire, là aussi, pas de prise de tête. Je décide de piocher dans mon stock de maillot en cotons. Vous savez, ceux que l’on récupérait il y a encore quelques années à chaque inscription de “courses de village”. Moi, je les ai tous gardés. J’en ai une tonne. C’est donc une solution pour m’en débarrasser de manière pratique.
Ainsi, en fonction de la météo, je pourrais m’en défaire aux ravitos quand bon me semble sans me soucier de leur devenir.
Par dessus ces maillots, par contre, je fais le choix de la sécurité absolue : la veste gore-tex. Testé et retesté à l’entrainement. Idéal contre le vent et la pluie et en plus d’une légèreté incroyable. Le top. Et puis lorsqu’il fait chaud il suffit de l’ouvrir.

Au niveau des jambes ce sera un seul cuissard. Je ne prévois rien d’autre. Je n’ai jamais froid aux guiboles. Même l’hiver lorsque les température descendent à moins 10 je crapahute les genoux à l’air.

Par contre, je prévois une paire de chaussette de rechange au cas ou une grosse pluie battante détrempe mes pompes.

Je décide aussi de mettre de porter des gants du début à la fin de la course sur lesquels j’enfile des gants en vinyle afin de les protéger de la pluie. J’aurais aussi sur mon crâne de chauve une casquette.

Enfin, je prévois de porter une petite ceinture à scratch sur laquelle se trouve une petite sacoche A l’intérieur s’y trouve 2-3 pâtes de fruit, un gel, ma paire de chaussette de rechange, le roadbook + 3 piles de rechange pour ma frontale au cas ou...

Bref, c’est avec une certaine simplicité logistique que je décide d’aborder mon expédition.

Pour les Dropbag, je fais aussi le choix de ne pas me compliquer la tâche. En démarrant avec 2 maillots cotons + la veste Goretex, je sais que je n’aurais pas froid.
Mais par soucis de sécurité j’en dépose un au ravito 6 (au pied du Col de l’Ardéchoise) dans lequel il y a un maillot coton. Rien de plus. Je le prendrais avec moi, sous mon Goretex au cas ou il fasse vraiment un froid extrême au Gerbier des Joncs (à 1417 mètres d’altitude).
J’en place  aussi un deuxième et dernier au ravito 14, c’est à dire au km 131, à ANTRAIGUES le Pont de l’Huile. A l’intérieur de ce Dropbag se trouve un maillot “technique” manche longue, une casquette jaune réfléchissante, ma frontale, un cache col et un maillot en coton.
Normalement, si je respecte le scénario que j’ai vaguement prévu, je devrais être à ce ravito 14 aux alentours de 20h-20h30, soit une heure avant le coucher du soleil.
Ensuite, plus rien jusqu’à l’arrivée.


Je me suis bien évidemment “armé” d’un minuscule  roadbook plastifié sur lequel se trouve le relief, les ravitos, les dropbag mais aussi la longueur de toutes les bosses ou descentes afin de savoir exactement ou j’en suis et ce qu’il me reste à subir...

Voilà, j’ai fait le tour du “périphérique”.
Venons-en maintenant au coeur de l’Ultr’Ardèche...






C’est vendredi aux alentours de 18h30 que j’arrive en pays ardéchois. Déjà, en entrant dans le parking, je reconnais pleins de “têtes”. Je gare ma voiture dans laquelle je vais roupiller pour la  nuit. Bien évidemment ce sont les retrouvailles avec certains ou bien de nouvelles rencontres avec d’autres. Tout se fait dans la simplicité. Le top. Je ne citerai personne de peur d’oublier des prénoms.



Ensuite, très vite, vient l’heure du repas et du briefing de Lolo. Et là, il semble vouloir nous dissuader de prendre le départ de son épreuve. C’est à peine s’il ne nous prévoit pas une éruption volcanique au km 88, un tremblement de terre au km 112, une tornade au km 135 et pour les survivants la fin du Monde au km 151...
L’Apocalypse selon Saint Lolo !



Lolo le chef d'orchestre


Bref,on saisit assez vite que ce qu’il veut nous faire comprendre, c’est que l’on va en ch-er un max.
Et puis déjà, à ce moment là, sous ce chapiteau magique, on peut voir qu’il est entouré d’une équipe de bénévoles dévoués. Cela se confirmera le lendemain et surlendemain...

Personnellement, je charge un peu trop mon estomac lors du repas et j’en paierais la note lors de ma nuit : quasiment rien dormi à cause d’une digestion difficile. Peut-être à peine une heure de sommeil. C’est la première fois que cela m’arrive. Pas le top quand on sait qu’une nuit blanche nous attend dans la nuit de Samedi à Dimanche...

3h30 du matin. Je décide de me préparer. Je fais un premier petit déjeuner perso à base de poudre d’amande-chataigne. Puis un second plus consistant à 4heures sous le chapiteau. Je me retrouve avec Pascal P du Forum ADDM. Quelques mots échangés. Les visages sont sérieux et l’on sent bien qu’un stress pré UA s’est immiscé dans tous les esprits.
Dehors, la fraîcheur est bien présente mais c’est supportable. Il a plu toute la nuit mais à quelques minutes du départ le ciel est aride comme le Mont Gerbier de Jonc. La météo annoncée pour ces deux jours oscille entre éclaircies, quelques averses voir même de la neige...



Vincent, Carole et Vincent juste avant le départ

6 heures. Les athlètes sont lâchés dans l’arène. Le ring de l’UA est prêt à accueillir les poids plumes. Les coeurs vont cogner et les pieds martelés sur ce macadam cabossé.

Je suis serein. Zéro angoisse.
Je démarre prudemment et savoure cette première longue bande de réglisse ardèchoise.
Très vite je me retrouve seul.
Et très vite les formes généreuses de l’anatomie ardèchoise s’offre à nous. J’épouse avec timidité cette beauté bucolique et me blotti prudemment en son sein. Ma foulée est paresseuse. Je fais très attention de ne pas hâter le pas. Le décor mérite la lenteur.
Ces petits hameaux typiques aux pierres grises semblent être couvés par la verdure plantureuse de l’Ardèche Verte. A cette heure matinale, le rêve est encore permis. Alors divaguons tant que le corps et l’esprit nous y autorise.
Je respire, je coure, j’aime, j’adore, je dévore des yeux, j’existe.

Plus tard, certainement, il en sera autrement...

Au loin, un gros groupe de tête a pris son envol. Les galbes du parcours empêchent toute vision lointaine. Devant, ni futur et derrière ni passé. C’est très bien ainsi. Carpe Diem.

A partir du km 27,8, mon songe nomade va se briser sur un long passage ennuyeux et revêche.  Cette ancienne ligne de chemin de fer refuse obstinément que l’on y traine les pieds. Peu sociable, elle accroche et déstabilise nos appuis “d’asphalteur”. De plus, la pluie passée a rendue le parcours humide et gras à certains endroits. Je dépasse quelques “ultraistes” émérites.
Juan Carlos Pradas, Laurence Suisse, Hervé Bec...
Heureusement, à la fin de ce chemin indigeste, se profile les dessous du Col de l’Ardéchoise. Une longue et imposante ascension qui permet à nos pas de caresser à nouveau la peau asphaltée de l’Ultr’Ardèche.

Au loin, lorsque je lève un peu la caboche, mon proche avenir sent la froidure et surtout la neige... La tronche des sommets est blanchie. Même pas peur. J’aime bien les gueules cassées.
Au ravito 5 je croise Lolo à qui je demande à quelle sauce météorologique nous serons mangés là haut dans la montagne. Il me répond en gros que c’est le tohu bohu avec tempête de neige (qui tient sur la route) et vent violent. Il me demande d’ailleurs si j’ai un collant long car il craint que je me les gèle “grave”...
Je lui répond que le froid au niveau des jambes ne m’inquiète pas. Il a l’air de douter un peu...





C’est aussi à ce ravito, il me semble, que je croise Manu Da Cuhna.
Whaouuuu ! Il a carburé jusqu’à maintenant. Toujours aussi fou ce Manu. J’adore. Quelques mots échangés et nous filons séparément vers notre destin commun : la rencontre avec l’ours polaire ardéchois et le yéti du Mont Gerbier de Jonc.
L’expédition ne m’effraie pas. Je me sent bien. Je n’ai vraiment pas froid et les sensations sont correctes. Certes, j’ai déjà les jambes un peu lourdes, mais cela ne m’inquiète pas outre mesure.

A droite de la route, sont disposés tous les kilomètres des panneaux verts indiquant l’altitude, la déclivité de la pente et à quelle distance se trouve le sommet...

Je ne marcherais pas une fois lors de cette ascension. Pourtant, je crois, certains passages auraient mérités que j’évolue en marchant. M’en fou. J’ai pris un p-tain de pied à becquetter cette côte...de boeuf. 12 kilomètres à toute petite foulée, pied rasant, sans forcer, jetant de temps en temps un coup d’oeil là-haut, histoire de voir si un soleil estival n’illuminerait pas subitement le toi de cette monumentale taupinière.
Nada !. Au dernier étage la tapisserie est joyeusement grise.

Il trotte aussi dans ma tête les paroles de Lolo et des concurrents ayant déjà participé à l’édition précédente : “c’est la seconde partie qui est décisive et donc frein à main sur la première”.
Il me semble avoir été assez lent depuis le départ. Sauf peut-être, il est vrai, sur ce tronçon pentu de l’Ardéchoise. On verra bien.

Ravito 6. 62,2km. Dropbag. Je prend dans le sac le maillot coton que je glisse sous mon goretex. Et puis, comme depuis le départ lors de chaque ravito, je picore de tout mais surtout du salé. Les bénévoles sont aux petits soins et attentifs. On est bichonné. Merci à eux. Je prend mon temps comme à chaque fois. Mon état d’esprit n’a pas changé. Je ne suis pas là pour jouer dans la cours des “Grands”. Je suis là pour découvrir Dame UA.

Je m’approche du sommet. La neige a tartiné la croûte ardèchoise. Les passages “à découvert” sont plus nombreux et l’on sent dorénavant le vent taquin. Et puis, je distingue de plus en plus nettement un petit groupe de coureurs évoluant devant moi. Je décide un peu bêtement de les rejoindre en accélérant à peine.. Je dis “bêtement” parce que je n’ai aucune raison objective de les rejoindre. Je risque juste de me cramer à petit feu...

Ravito 7. Borée. J’ai rejoins maintenant
la bande des 4 coureurs. Il y a là, hum hum, Philippe Warembourg, Christian Leroux, Bertrand Cochard et Pierre Aubery. Un sacré yaourth avec des vrais morceaux de champions dedans.

Pour le coup, je me dis que j’ai vraiment monté trop rapidement le Col de l’Ardéchoise et que je vais le payer très bientôt. En même temps, je me rassure en pensant que j’ai une sacrée avance sur les barrières horaires et que si j’explose je terminerais en marchant vite...Enfin ça c’est la théorie.
Sur ce ravito, je prend une soupe bien chaude et je gueuletonne allégrement. Tartine de pâté, de fromage, tout y passe. Je prend mon temps et je repars tranquillement.

Les paysages sont extraordinaires et l’on chemine dans des fresques improbables ou l’énigmatique se mêle au fantastique. L’asphalte, bécoté par le soleil, accouche de brumes lascives.
Dans les parages, le climat n’est pas torride. Nous sommes cependant épargnés par le mauvais temps. Le soleil apparaît en pointillé. Sur les bords de route, la quantité de neige est asse
z importante. On imagine très vite ce qu’il tombait quelques heures avant notre départ.







Philippe Warembourg est un peu déstabilisé car il a perdu sa suiveuse vélo. Pneu crevé. Et si j’ai tout bien saisi, son fils qui devait le rejoindre en voiture, a lui aussi crevé !. La guigne !!!.





Nous sommes donc maintenant 4 coureurs à grignotés le goudron. Bertrand Cochard est maintenant plus loin derrière nous.

Ravito 8, Ravito 9, je pique-nique !. Pommes de terres salées, jambon, soupes, oeufs, pain, des arrêts ripaille au top du top. Et pas de problème de digestion. Il faut dire qu’à cette vitesse on peut mâcher tranquillement et qu’avec l’énergie dépensée, notre corps a un besoin immense de carburant. Aussi, si je fais un bilan post course, j’ai du ingurgité 95% de salé et 5% de sucré pur (coca-pâtes de fruit). Définitivement, à ces vitesses modestes, je sais qu’il vaut mieux pour moi et mon confort digestif, abandonné le sucré. Il ne passe vraiment pas. C’est tant mieux parce qu’instinctivement, dans la vie courante, je préfère très largement le salé.

Sommet de la gastronomie et sommet de l’Ultr’Ardèche : Le Mont Gerbier de Jonc se présente à  nous. Bonjour Monsieur la sommité. Il en impose. Il est majestueux. Il se présente : “Le nom du mont
Gerbier de Jonc est trompeur car il ne s'agit ni de « gerbier » ni de « jonc », mais d'une racine pré-celtique qui, incomprise, a été recomposée à partir de Gar signifiant « rocher » (cf. Le Gers, le Gerbizon)1 et de Jugumpour « montagne » (cf. Beaujeu, Asperjoc)1. Au pied, une coulée basaltique reposant sur le socle cristallin.” Merci Wikipédia.

Accessoirement, il est aussi la mère éternelle de la Loire.

C’est à partir du Mont Gerbier de Jonc que je vais commencer à alterner course et marche, suivant ainsi le rythme de mes compagnon de vadrouille. Je me dis d’ailleurs, avec du recul, que j’ai bien fait de suivre leur façon de faire sinon j’aurais continué à courir si j’avais été seul. Et ainsi explosé prématurément.


Km 98. C’est parti pour le diabolique toboggan de l’UA. 18km de plongée abyssale. On passe de plus de 1250 mètres à 400 mètres d’altitude. De quoi pulvériser les fibres musculaires si l’on entreprend avec trop de vigueur le schuss.

A ce moment là nous ne sommes plus que deux. Philippe Warembourg (appellons le Phil  dorénavant parce c’est moins long à écrire et que l’on a passé un sacré bout de temps ensemble). Devant nous, il y a Jean-Jacques Moros et Stéphane Ruel.

Phil est un gars que j’ai véritablement apprécié. Extrêmement attachant. Merci Phil pour ta gentillesse. On ne s’est pas lancé dans de grandes discussions mais on a eu un pudique respect l’un envers l’autre.

Je remercie aussi sa femme et ses enfants qui plusieurs fois me proposeront leur aide.


La voiture suiveuse de Phil est de retour.

Phil en profite pour troquer ses pompes qu’il avait jusqu’à maintenant pour des moelleuses Hoka afin d’amortir au maximum la descente.

Plus on plonge, plus la température s’élève. Notre vitesse est pas loin d’être excessive. 11,5km/h de moyenne pour 18,232km. Plusieurs fois je relance car mon camarade me distance.


1h35’30 de descente !.

Saint-Pierre de Colombier. Nous sommes maintenant à 400 mètres d’altitude et il fait chaud. J’ouvre ma veste mais je commence à transpirer. Le soleil est franc.


Phil me dit qu’il est en avance sur son chrono de l’an dernier. Gloups. J’ai peur de m’être un peu trop engager.
Arf. Tan pis. Je décide de suivre Phil tant que je ne me sent pas piocher. Et puis, n’a t’on déjà pas parcouru plus de la moitié de l’UA ? Alors il faut positiver...





On se pose au ravito 12. On est bien assis mais on ne doit pas s’éterniser non plus. C’est fortement déconseillé si l’on veut musculairement repartir sans trop de raideur.
5,5km de montée raide nous attend.
Phil de suite prend un peu d’avance. En chemin, je croise Jean-Jacques Moros qui redescend en direction du ravito. Je ne sais pas trop quoi lui dire et je préfère garder le silence. Lui, il m’encourage.

Certains pourcentages sont raides. Maintenant c’est le relief lui même qui m’impose les phases de marche. Je ne choisis plus.  Voilà, je sais désormais que le mental va prendre de plus en plus de place. Il va falloir que l’esprit domine la lassitude physique. Les contractions musculaires sont de moins en moins efficaces et la volonté d’alterner course et marche de moins en moins présente. Je sens bien que je m'affaisse même si je sais qu’il faudrait que je bouge le c-l.

Phil à bien 2 minutes d’avance. Je ne le vois plus. J’ai toujours un gros moral mais à ce moment là je suis déjà très content d’en avoir fait autant et que je peux me contenter de marcher et de ne pas me forcer en attendant la ligne d’arrivée.. Bref, de me la couler douce si l’on peut dire.

En même temps, se la couler douce sur le parcours de l’UA c’est un peu manquer de respect à cette cathédrale qu’est l’UA.

Et puis se faufile dans mon esprit quelque peu embrouiller un soupçon d’orgueil qui me fait penser qu’une place sur le podium serait un truc de ouf. Ce jeu de construction mentale regonfle l'ego. Et lentement mais sûrement je refais mon retard sur Phil. Certes, je n’avance plus avec élégance et puissance, mais je me remet à alterner marche et course. Et puis mon prochain dropbag s’annonce très bientôt.

Il me semble que c’est entre le ravito 13 et le ravito 14, dans une bosse de 2km que je vais rejoindre Phil puis le dépasser irrémédiablement. Je ne sais plus trop..

Ravito 14. Antraigues-sur-Volane. Km 131.  Il doit être environ 20 heures. Mon dropbag est là. Je m’assied. Et je m’alimente tranquillement. Je prend mon temps. Comme à mon habitude, soupe chaude, pain, et il me semble deux pomme de terre.. Côté hydratation je tourne encore et toujours avec de l’eau. Et puis je me change. J’enlève mes 2 maillots cotons pour un maillot technique. Je troque ma casquette rouge pour une casquette jaune plus visible. Je prend aussi ma frontale et mon cache col. Je n’oublie pas non plus de placer un maillot coton sous ma veste gore tex  au cas ou le froid soit trop agressif dans les hauteurs.  Il nous reste à franchir 2 cols de plus de 800 mètres dont un à 930 mètres...
A ce moment là Phil entre dans la salle de ravito. Il a l’air marqué.Je ne lui dis rien. Je n’ai pas les mots pour le réconforter et je ne suis pas certains que dans ces moments il soit utile d’en rajouter. Mon regard qui croise le sien suffit à lui exprimer mon soutien et mon respect.
Très gentiment ses suiveurs me demandent si j’ai besoin de quelque chose. Je leur répond que je leur donne mon drop bag dans lequel je me déleste aussi de ma ceinture à scratch. Je souhaite m’alléger au maximum.  

Je me suis bien restaurer, je ne me suis pas pressé, je suis bien couvert. Je suis prêt à repartir affronter le titan. Le froid, le vent violent qui n’arrête plus de souffler, la pluie ou la neige, et la nuit qui s’annonce,  je sais à présent que plus rien ne m’arrêtera.

J’ai juste une petite inquiétude du côté des releveurs qui me chatouillent légèrement. On verra.

GOooo !.

Se présente à moi maintenant quasi 6km d’ascension  pour rejoindre le Col de Genestelle. Je me sens un peu plus solide et j’arrive durant cette ascension à maintenir une alternance marche rapide et course. Je suis au sommet après 15 heures de course. Il est quasi 21 heures. Et le soleil se couche à 21h08.

Km 143. Saint-Joseph-des-Bancs. Un joli nom de village pour poser définitivement ses fesses. Et y fumer une pipe, une canne à la main, en regardant le temps qui passe.
Mais pas de repos pour les coureurs. Ou plutôt une petite pause au ravito 15. A l’intérieur de la salle je retrouve Lolo. On papote un petit peu. Il me conseille d’allumer ma frontale de suite. Et puis je redémarre non sans avoir pris le temps, à nouveau, de m’être bien rassasier.

Il me reste encore 5 bonnes grosses ascension avant la ligne d’arrivée.

Pour l’instant je dois rejoindre le Col de La Fayolle à 877m d’altitude. J’arrive à retrouver quelque peu le rythme marche-course. A la marche je tourne à 7km/h et en course aux alentours des 8,5km/h maxi. Mais tout cela est très chaotique.
Je me fais la réflexion en cours de chemin, que je suis à chaque fois pressé de passer la bosse pour rejoindre la descente et qu’une fois dans le schuss je suis saouler par le rythme tenu et que j'attends avec impatience la prochaine montée pour enfin marcher.
La conclusion qui s’impose est que le coureur flapi est relativement casse-couil-e.

Arrive le ravito 16. Je suis toujours vivant. Je commence à avoir les pieds qui débordent de mes pompes tant ils semblent avoir gonflés mais par contre les douleurs musculaires sont timides. C’est toujours ça de gagner. Une fois de plus je fais ripaille même si je n’ai pas du tout faim. Mais je sais que si je ne m’alimente pas lourdement, je vais le payer très vite. Car la fatigue combiné au vent glacial suffiraient à eux seuls  à nous mettre genoux à terre.

Ce qui s’annonce maintenant c’est la rampe de la mort.
Sur le Roadbook Lolo a écrit : “Petit pont en pierre, là, vous allez nous maudire”. Il est prévenant. Qu’il est adorable.

Qu’il aille brûler dans les flammes de l’enfer !!!!.

4km à 8% de moyenne. Je vais les ingurgiter en 38’...
Pas une fois je vais pouvoir relancer en courant. Je suis un vrai galérie. Il est presque minuit et je sens bien que la lune se fout de ma gueule. Je ne parle même pas des yeux lumineux, cachés dans les fourrés, que je croise tout au long de cette route....

Highway To Hell. Je suis en covoiturage avec Belzébuth et c’est lui qui conduit.
Arrive le sommet. 936 mètres et des rafales de vent qui vous congèle sur place. L’endroit est hyper dégagé et permet au blizzard de laisser libre cours à son talent. Je n’avance plus.

Plus bas au km 162, il y a Saint-Pierreville. La descente qui y mène est elle aussi très raide. Je file à 11km/h environ. Je suis pressé de retrouver un peu plus de douceur dans les températures et de tempérance dans les élans du vent.

Ouf. J’y suis. Retour à un brin de civilisation. Ce ravito 17 est celui qui me fait passé de Samedi à Dimanche.
Dimanche qui signifie “Jour du Seigneur”. C’est donc le jour ou nous sommes sensés nous REPOSER. C’est le fameux repos dominical...

La bonne blague !. Il me reste au minimum 7 heures de course et 55km à couvrir. Gloups. Des chiffres qui en cours de route me donnent le tournis. Le problème est que je vais laisser là bas mon minuscule roadbook plastifié sur lequel se trouvait  toutes les indications essentielles. Merde !. Je me sens littéralement à poil sans cela. Je ne dispose plus de la moindre indication si ce n’est les flèches à suivre.


Km 165. Quasi 7 km de grimpette me tendent les bras. Au terme de cette élévation, je me retrouverais à Gluiras, kilomètre 173, Ravito 18.
Finalement, je tient bien la route pendant la montée. Je ne m’étiole pas au et j’arrive à aligner, plusieurs fois de suite durant la rampe, des séquences de course. De temps en temps je me retourne pour voir si un coureur viendrait à se rapprocher de moi. Mais personne. Je suis seul au milieu de nulle part. Mais pas d’inquiétude.


172ème km. A moi Gluiras et sa camionnette !. Un arrêt au chaud sur la banquette chaleureusement proposé par le bénévole veilleur. Il est 2 heures du matin.
Une soupe bien chaude et hop !, je redécolle...

Mais au bout de 2 bornes les piles de ma frontale sont soudainement en train de rendre l’âme et les 3 de rechange sont dans le dropbag qui est maintenant dans la voiture suiveuse de Phil.
A ce moment là, je ne brille pas. La course se complique méchamment...Et la lune ne m’est d’aucun secours car le parcours est en pleine zone boisée !. Fort heureusement il n’y a pas 15 000 croisements et lorsqu’il y en a un je me colle littéralement contre les panneaux de signalisation pour distinguer les minuscules flèches rouge-orange UA. J’ai un peu  l’air un d’un détraqué sexuel  à me frotter ainsi contre les panneaux....Je suis usé mais je ne peux pas me permettre de me relâcher de peur de me tromper de chemin. Comme si j’avais besoin encore de coller un nouvel handicap.
La lumière de la frontale devient quasi inexistante. Il ne reste qu’un infime  faisceau lumineux. Je dois rester concentré. Je suis dans une descente qui “fait mal”. 10 bornes à dévaler une pente enténebrée...
J'attends avec impatience le prochain ravito et j’espère y trouver une personne disposant de 3 piles du même type que les miennes. Sinon, je ne vois pas comment je vais pouvoir continuer sans prendre de risques inconsidérés...

Ravito 19. Km 183. Encore une petite camionnette. Je m’assieds. Et je demande de suite aux 2 bénévoles s’ils ne disposent pas de 3 piles comme celle que j’ai. MIRACLE !!!La bénévole a une frontale et accepte sans aucun problème de me filer ses 3 piles.
Yahouuuuu !.
Heureusement que je n’ai plus trop de force sinon je l’aurais biser sur la bouche. Oui ! Toi bénévole du ravito 19 tu as échappé à un attentat buccal. Je suis tellement heureux que je papote loguement et le temps file...
Juste avant de partir je leur rend un hommage appuyé et ce don de piles est la cerise sur le gateau. Tout au long de l’épreuve les bénévoles ont été prévenant, empathique, attentionné. A nous tendre les chaises, à nous parler tendrement, à nous aider à nous changer, à remplir nos gourdes, etc... D’innombrables petits et grands gestes qui mis bout à bout rendent une Homme, une Femme HEU-REUX !. MERCI !.


Moins joyeux. J’ai 7km à escalader. Il est un peu plus de 3 heures du matin. Je n’ai plus trop envie de me bouger la couenne. Et l’envie de dormir me masse les yeux. Je sais par les bénévoles qu’il me reste environ 35km.
Je suis lassé. Je marche tout au long de cette énième ascension. 1h11’25 pour arriver au sommet.
Je manque de rater le ravito 20, celui de Chalencon. Heureusement, c’est mon pote Didier qui m’interpelle au dernier moment alors qu’il vient de sortir du camping car qui fait office de ravito.
Je rentre vite à l’intérieur et grignotte des broutilles. Je ressort assez rapidement de ce lieu accueillant pour reprendre péniblement le chemin de l’UA...
Soudain, arrive au même moment un camarade de course. Voilà, c’est fait : je me suis fait rattrapé !. Il s’agit d’Eric Bonotte, un tatoué de l’Ultra. Fichtre !. L’esprit de compétition me saisit d’un seul coup. Je ne l’avais pas eu depuis le départ. Je ne vais quand même pas me faire “piquer” ma seconde place. Je place un furieux démarrage et me voilà en train de débouler à une vitesse folle  dans la descente qui suit le ravito : du 11km/h !. Je ne peux guère aller plus vite.
Eric, lui, ne s’arrête pas plus de 30” et à certainement plus le moral que moi...

Mais je ne lâche pas et je retrouve une seconde jeunesse. Je laisse le fauteuil roulant pour le déambulateur. Je vous dit pas comme je fonce !





Dans les 3 dernières bosses restantes je vais réussir à maintenir le rythme marche-course. Aussi, je ne m’arrête pas au dernier ravito. Il fait bien jour maintenant.
Les derniers kilomètres sont interminables. Mais j’ai définitivement largué mon poursuivant. Il aura fallu les 30 derniers kilomètres pour que j’enclenche le mode compétiteur. Enfin ce qu’il reste du compétiteur. Car je suis HS. Ras le bol !. Je franchis enfin la ligne. Lolo et le vainqueur m’attendent. Ils me congratulent. Je ne sais plus trop ou j’en suis. J’ai fumé toute la moquette de l’UA. Je me pause quelques minutes sur une chaise et puis je file me doucher.

Ensuite j’irais prendre un petit déjeuner sous le chapiteau. J’y croise Maria Pierre qui nous raconte son abandon. Son mal de dent s’est réveillé dans la descente du Mont Gerbier de Jonc et elle a dû quitter la course.
Ensuite je vais faire 2 bonnes sieste puis papoter avec quelques compagnons de la grande famille de l’Ultra. Ensuite viendra le repas et la “remise des prix”. Stéphane Ruel, le vainqueur a explosé le chrono avec un temps de 23h07 !. 




Lolo l'homme au micro, Mr Le Maire l'homme à la coupe, Stéphane Ruel l'homme
en rose et accessoirement 1er de l'UA et moi-même l'homme aux bras croisés et
accessoirement, aussi, 2ème. Manque le 3ème : Eric Bonotte.

Il est 21h30. Il est temps que je rentre chez moi. La semaine de boulot qui m’attend ne va pas être tendre pour ma récupération. Si lundi je suis de soir, tous les autres jours je vais être de matin. Vendredi jour de repos, j’ai encore les pieds gonflés d’oedèmes. Ce jour, samedi après-midi, mes pieds ont très légèrement diminués de volume.


Mais si j’ai les chevilles gonflées, je vous jure que je n’ai pas pris la grosse tête !

Merci Lolo pour ce voyage. Tu es un As. Et les bénévoles de véritables anges-gardiens. Merci à toi. Merci à eux.

Vive la prochaine UA !